Chères Amies, Chers Amis,

 

Notre club poursuit plusieurs objectifs parmi lesquels vous faire découvrir et apprécier comme elle le mérite tant, la plus ancienne race de chats française mais aussi échanger avec vous, parents ou futurs parents de Chartreux. J’ai essayé à travers ce qui suit de vous faire part de la passion que j’éprouve pour cette race si spéciale et à laquelle je consacre, comme d’autres éleveurs, temps et labeur mais avec à la clé de précieux moments de bonheur… Alors bonne lecture à vous…

 

Tout d’abord faisons connaissance…

 

I. Chartreux d’où viens-tu ?

 

Le Chartreux, une « particularité » française qui nous fait remonter le courant de notre histoire :

 

Nous l’avons dit, les origines de notre Chartreux se perdent dans l’histoire de France (des chats bleus originaires de Syrie auraient été ramenés en France par des moines-soldats de retour des Croisades dès le XIIème siècle).

Au XVIème siècle, le poète Joachim du Bellay (1522-1560), inconsolable, évoque la perte de son Belaud dans Épitaphe d’un chat (1558) et nous lance sur les traces du chat bleu français :

 

« Maintenant le vivre me fâche ;

Et afin, Magni, que tu saches,

Pourquoi je suis tant éperdu,

Ce n’est pas pour avoir perdu

Mes anneaux, mon argent, ma bourse :

Et pour quoi est-ce doncques ? pour ce

Que j’ai perdu depuis trois jours,

Mon bien, mon plaisir, mes amours.
Et quoi ? ô souvenance grève !

À peu que le cœur ne me crève,

Quand j’en parle, ou quand j’en écris :

C’est Belaud mon petit Chat gris,

Belaud, qui fut avanture

Le plus bel œuvre que Nature

Fit onc en matière de Chats :

C’était Belaud, la mort aux Rats

Belaud, dont la beauté fut telle

Qu’elle est digne d’être immortelle… »

 

Et même si évidemment les standards de la race n’existaient pas, le poète nous livre un peu plus loin, une description fidèle de son Belaud « couvert d’un poil argentin, ras et poli comme satin, couché par ondes sur l’échine ». Et du Bellay de préciser que son chat n’était  « pas gris entièrement, ni tel qu’en France on les voit naître ». Des chats au pelage gris étaient donc semble-t-il une « originalité française »…

Le comte de Buffon (1753-1788), grand scientifique, parle lui d’un Chat des Chartreux au pelage bleu, à poil court et laineux. Avant lui, dans son ouvrage Systema naturæ (1736), le naturaliste suédois, Linné distingue le chat domestique du Chat des Chartreux, « Catus caeruleus » (chat bleu) vivant en France. Jacques Savary des Brûlons (1657-1716), inspecteur général de la douane évoque le Chartreux, dans son Dictionnaire universel de commerce, d’histoire naturelle, d’arts et de métiers (publié à titre posthume en 1723),  comme « une sorte de chat qui a le poil tirant sur le bleu. C’est une fourrure dont les pelletiers font négoce ». Et de là à faire le lien entre les religieux et le nom du chat, il n’y avait qu’un pas… Les moines de la Grande-Chartreuse seraient-ils alors subitement devenus éleveurs de chats ? De cet élevage aucune trace dans les archives de la Grande-Chartreuse comme l’a démontré Jean Simonnet, grand spécialiste de la race. En revanche, selon lui, une laine venue d’Espagne était appelée « pile des chartreux ». Or, l’existence en France d’une race de chats bleus avec une texture de fourrure bien particulière, utilisée en pelleterie est avérée. Cette fourrure laineuse a peut-être été comparée à la « pile des chartreux » et on aura fini par donner le nom de Chartreux à ces chats (source : Chartreux, Petits Pratiques Animaux, avec la collaboration de Royal Canin, Hachette, 2000). C’est un peu comme le renard qui a acquis son nom grâce au Roman de Renart (XIIIème siècle). L’auteur utilisa le nom propre d’un avocat parisien qu’il voulait moquer, un certain « Renart », pour le donner à l’animal. Le nom de l’avocat finit par devenir le nom commun de notre ancien goupil (nom dérivant du vulpes latin) dans la langue française. « Goupil » se transforma en « renard »…

Quoi qu’il en soit l’élevage de cette race existait déjà puisque l’on faisait commerce de sa fourrure si spécifique.

 

Mais il faudra assurément attendre 1930 pour parler de sélection. Les demoiselles Léger en furent à l’origine et la race leur doit beaucoup. À Belle-Île, elles tombèrent sous le charme de Chartreux naturels vivant en liberté. Elles s’attelèrent à en faire l’élevage. Mignonne vint au monde et devint « le premier spécimen primé d’une race fixée en France ». Par la suite, trouvant les yeux trop « or pâle », le Persan apporta le cuivré au regard. Puis craignant la consanguinité, des éleveurs pensèrent à marier notre Français avec le British shorthair bleu. Les standards des deux races furent même réunis en 1970 par la FIFe (Fédération internationale féline). Cet amalgame fut salutaire et provoqua la saine réaction d’éleveurs amoureux de la race, qui ne voulurent surtout pas voir disparaître les particularités, vieilles de plusieurs centaines d’années, de notre chat français. Le visage tout rond du British shorthair faisant penser à une pomme (« apple face » comme disent les Britanniques) ne ressemblait pas à la tête en « trapèze inversé » de nos Chartreux… Sans oublier le nez bien dessiné de notre Français et les bajoues caractéristiques chez les mâles entiers.

Chacun récupéra donc son standard. Et depuis les croisements avec d’autres races de chats sont interdits.

Mais alors quid du problème de consanguinité qui est le problème de fond chez de nombreuses races de chats ? Rassurez-vous, le Chartreux est un chat sain et solide. En outre, certains éleveurs perfectionnistes et soucieux d’avoir des chats en parfaite santé, n’ont pas hésité à mettre en place une sélection des plus pointues. Ce travail remarquable et de longue haleine permet de renforcer les lignées tant en France que dans le reste de l’Europe et du monde. En France, notre Chartreux a ainsi la chance de bénéficier du programme RIA (Registre d’inscription au titre de l’Apparence) du LOOF (Livre Officiel des Origines Félines). Pour plus d’information : https://loof.asso.fr/download/08-2-RIA-20170101.pdf

  

 

Si, si… L’équilibre existe bel et bien en ce bas monde

et il a pris la forme d’un chat chartreux !

 

 

II. Chartreux qui es-tu ?

 

Une force de la nature savamment maîtrisée :

 

Bien sûr tous les goûts étant dans la nature, le jour où nous nous décidons à choisir un chat de race nous aurons nos préférences, nos sensibilités. Indéniablement, l’aspect physique, le « look » pour reprendre cet anglicisme, ont leur importance, l’enveloppe extérieure c’est en premier ce que l’on voit… Chacun cherchant aussi dans son chat domestique une représentation plus « sauvage », plus « exotique », l’allure et le physique de nos compagnons félins nous renvoient alors à des images : ainsi un chat de race avec des rosettes nous fera penser à un léopard (panthera pardus), un chat à la robe ébène à une panthère noire (panthera pardus), des rayures – tabby - évoqueront le tigre (panthera tigris), une collerette fournie et il nous semblera entrevoir une réplique miniature de lion (panthera leo), un cou fin, des lignes élancées nous rappelleront le lévrier… Et notre Chartreux dans tout ça ? Il n’a pas de rosettes, n’est pas de couleur noire, n’a pas de rayures, ni de collerette et n’est certes pas voussé… Mais regardez-le bien et aussitôt vous sentirez une force subtilement maîtrisée se dégager. Son totem pourrait être l’ours qui peuplait nos forêts et nos contes du Moyen-Âge. Sous son allure débonnaire, et comme l’ours, le Chartreux possède une grande agilité, une détente et une force de frappe qui n’ont rien à envier à des races aux lignes plus orientales, plus affinées.

 

Le plus fin des gourmets :

 

Le Chartreux n’est pas français pour rien. Si la France est reconnue dans le monde entier comme LE pays de la gastronomie, le Chartreux comme tout Français qui se respecte, aime lui aussi la bonne table. Dès son plus jeune âge, notre Raminagrobis fait ainsi montre d’un solide appétit et durant toute sa vie, il portera le même attrait pour la bonne chère et les plaisirs gustatifs variés. Car si le Chartreux apprécie la quantité, il aime surtout la qualité ! N’oubliez jamais que vous avez affaire à un fin gourmet ! Il n’est pas difficile mais il aime ce qui est savoureux, goûteux. Toute une vie à manger des croquettes ne satisfera pas les papilles de votre chat chartreux. Pensez à lui offrir des surprises culinaires, vous lirez alors dans son regard tout le plaisir qu’il ressent et sa gratitude pour ne pas le contraindre à la monotonie alimentaire. Si votre Chartreux a accès à l’extérieur, il saura tirer parti de ses dons exceptionnels de chasseur en s’accordant au passage une sortie « fast food » en dégustant un mulot ou un moineau…

 

Finesse d’esprit et regard qui en dit long :

 

Le chat est incontestablement un animal intelligent, qu’il soit de gouttière ou de race. L’un des premiers signes de son intelligence réside sans doute dans sa capacité d’adaptation à son milieu. Le Chartreux est davantage encore. Il possède une grande subtilité, une finesse d’esprit. « Absorbés par un travail quelconque, nous avons eu soudain la surprise de remarquer que nous étions scrutés en détail »… Tous les compagnons humains de Chartreux pourraient écrire cela. Ainsi, parfois à distance mais toujours confortablement installé, notre Chartreux nous observe, s’intéresse à ce que nous faisons et à nous tout bonnement. Sortez une caisse à outils, cuisinez, installez-vous pour lire ou écrire… et il arrive. Il en ronronne de plaisir, vient frotter sa grosse tête contre votre front, pousse votre stylo, se roule sur votre cahier ou s’allonge sur votre clavier d’ordinateur… Puis reprend son poste d’observation. C’est le chat calme par excellence, gentil avec tout le monde et même s’il n’aime pas trop qu’on le porte en hauteur, il raffole des caresses et des longues discussions et autres compliments. Sa voix douce, qui contraste tant avec sa force physique prouve là encore que notre Chartreux est tout en mesure, tout en équilibre. Il est l’ami de tous, il s’adapte à toutes les situations. Vie de famille, vie de célibataire endurci, vie de retraités, vie de jeune couple sans enfant… avec ou sans autres animaux… Appartement, maison… Accès à l’extérieur ou non… il est LE compagnon parfait… De grands personnages ne s’y sont pas trompés. L’écrivaine Colette (1873-1954) vouait un amour total à ses Chartreux. Son roman La Chatte (1933) raconte la passion d’un jeune homme, Alain pour sa chatte chartreuse, Saha. Le Général de Gaulle (1890-1970) aimait se promener, dit-on, dans le parc de la Boisserie à Colombey-les-deux-Églises, accompagné de son Chartreux, Ringo de Balmalon, surnommé « Gris-Gris »…

 

La voix du Chartreux est claire, il miaule peu nous l’avons dit. Il communique à travers son physique nous l’avons dit également mais comment finir de dresser le portrait de ce chat remarquable sans évoquer son regard. Car le Chartreux a un regard cuivré, pénétrant, fascinant, d’une exceptionnelle intensité, rehaussé d’un trait noir qui en dessine le pourtour. À travers ce regard transparaît toute la bonté, la puissance et l’honnêteté de ce chat d’exception. Nous pouvons décidément être plus que fiers de notre chat « bleu… blanc rouge » !